Marcel Proust, cent ans plus tard… Le 18 novembre 1922 disparaissait Marcel Proust. Certains le considèrent comme le fondateur du roman moderne et comme l’auteur d’un des ouvrages les plus monumentaux de la littérature francophone : À la recherche du temps perdu. À l’occasion du centenaire de sa mort, les acteurs du livre et de la culture se sont mis en mouvement pour lui rendre hommage. Revenons sur cette période de commémoration, entre publications, visites, expositions et cérémonies…
Proust au cœur des (ré)éditions
Une chose est sûre : même en 2022, Marcel Proust est bien loin d’avoir déserté nos étagères et nos esprits. Le centenaire de sa mort a été l’occasion pour le monde de l’édition d’en faire l’un des personnages phares de la dernière rentrée littéraire.
En effet, dès le mois de septembre, on observait déjà une augmentation notoire des publications dédiées à Proust et à son œuvre. L’écrivain a notamment fait la couverture d’un numéro inédit du Figaro, consultable ici.
La Recherche remise au goût du jour !
Du côté des rééditions, elles furent nombreuses. On peut d’abord mentionner le projet ambitieux des éditions Plon : rééditer la correspondance de Proust. Cela représente cinq volumes et un total de plus de 6 000 lettres.
Les Plaisirs et les jours, premier recueil de poésie publié par Marcel Proust en 1896 chez Calmann-Lévy, a également fait l’objet d’une réédition le 9 novembre dernier. Pour l’anecdote, peu de temps après sa publication d’origine, ce recueil avait été la cause d’un duel au pistolet entre Marcel Proust et le critique littéraire Jean Lorrain. Ce dernier avait jugé le style de Marcel Proust « précieux et prétentieux », en plus d’alimenter la rumeur scandaleuse d’une liaison entre Proust et Lucien Daudet, le fils de l’écrivain Alphonse Daudet. Offensé et réclamant que son honneur lui soit rendu, Marcel Proust avait exigé un duel dans la forêt de Meudon. Cette histoire s’était finalement terminée sans mort ni blessé.
Écrire sur Proust en 2022
Source d’inspiration pour beaucoup, Proust et son œuvre n’ont cessé d’être réinventés. Ainsi, Proust et les arts de Thierry Laget a rejoint les rayons des librairies en octobre dernier. Cet ouvrage retrace avec brio le parcours de l’écrivain au prisme de son amour pour la peinture. Proust devient également un personnage de fiction dans Clara lit Proust de Stéphane Carlier, un roman paru en septembre dernier. On y découvre une coiffeuse bourguignonne partant à la découverte des salons proustiens.
À la recherche du temps perdu dépasse désormais les frontières du roman. On peut notamment citer l’ouvrage de Stéphane Heuet, jury du Prix Céleste Albaret et du Prix du cercle Proustien, qui s’était lancé en 1998 dans une adaptation en bande dessinée de La Recherche. Plus de vingt ans après cette première publication, Heuet nous offre chez les éditions Delcourt une version anniversaire, enrichie, du premier tome de cette série : À la recherche du temps perdu T01. Notons également l’adaptation en roman graphique de Monsieur Proust, le recueil des mémoires de Céleste Albaret, gouvernante de Marcel Proust, par Stéphane Manel (dessins) et Corinne Maier (texte).
Sur les traces de Marcel Proust
De nombreux événements littéraires et culturels ont été organisés autour de la vie de Marcel Proust et de son écriture, afin de marquer les cent ans de sa disparition. Tous ont pu en profiter : des plus fins connaisseurs de son œuvre jusqu’à un public plus novice.
Paris, Combray, Cabourg… partout où il est allé, Marcel Proust a puisé son inspiration. On retrouve dans ses écrits tous ces endroits chers à son cœur. Ils sont aujourd’hui les témoins et les décors de l’écriture proustienne. Il semble donc évident qu’on ait souhaité s’y souvenir de Proust à l’occasion de cet anniversaire si particulier.
Suivre Proust en province…
Pendant sept ans, Marcel Proust s’est rendu de manière régulière dans la cité balnéaire de Cabourg, en Normandie. Il avait même sa chambre habituelle au Grand Hôtel de Cabourg : la chambre numéro 414. Elle fut ouverte au public les 19 et 20 novembre 2022. À Cabourg se trouve également« La Villa du temps retrouvé », où l’on nous présente Proust et la Belle Époque. Pour le centenaire, cet espace muséal n’a pas manqué d’organiser des visites et des conférences inédites.
À Illiers-Combray, autre ville souvent mentionnée dans les romans de Proust, le centenaire a aussi été célébré avec enthousiasme. L’Association des rencontres internationales proustiennes d’Illiers-Combray (Aripic) a veillé tout au long de l’année 2022 à honorer les cent ans de la mort de Proust. Le 18 novembre, l’association a inauguré un atelier de lecture : « La correspondance de Proust ». Le lendemain, 19 novembre, les habitants se sont rassemblés dans le jardin départemental du Pré Catelan pour une « déambulation onirique ».
… ou bien à travers la capitale…
En effet, Paris n’était pas en reste pour rendre hommage à cet auteur qu’elle a vu naître et mourir. Le lundi 14 novembre, les habitants du 8ème arrondissement ont pu assister à l’inauguration d’une plaque commémorative au 45, rue de Courcelles, où Proust a vécu plusieurs années. Désormais, tous ses lieux de vie arborent une plaque à son nom.
Entre octobre et décembre, le musée d’Orsay proposait également un parcours théâtralisé à travers ses collections. L’objectif était de faire découvrir aux visiteurs les inspirations de Proust pour À la recherche du temps perdu.
Et pour ceux qui souhaitaient se (re)plonger dans la création de La Recherche, il leur était possible de découvrir l’exposition organisée par la BnF. Jusqu’au 22 janvier 2023, on pouvait assister à la rétrospective « Marcel Proust : la fabrique de l’œuvre ». Qu’on n’ait jamais ouvert un seul livre de Proust, ou bien qu’on connaisse sur le bout des doigts le déroulement de La Recherche, on se laisse happer par ce voyage au cœur de la genèse fascinante de cette œuvre.
Cette exposition richement documentée conduisait le visiteur à travers les étapes de la composition du chef-d’œuvre que constitue À la recherche du temps perdu. Le parcours de l’exposition déroulait l’ordre des volumes, de Du côté de chez Swann (1913) jusqu’au Temps retrouvé publié à titre posthume en 1927. À chaque volume correspondait une salle de l’exposition, avec son choix d’épisodes, certains très attendus – comme la madeleine –, d’autres moins connus du public. On (re)découvrait aussi l’histoire éditoriale de La Recherche : le refus de Du côté de chez Swann par les éditions de la NRF, le moment où Gaston Gallimard devenait l’éditeur de Proust, ou encore la consécration de son œuvre par le prix Goncourt en 1919.
La Recherche intemporelle
Marcel Proust s’est éteint le 18 novembre 2022, emporté par une bronchite mal soignée. Si la santé de Marcel Proust resta fragile toute sa vie, l’auteur s’assura en revanche de faire de son œuvre un pilier inébranlable de la littérature française. Là résidait toute sa force, et il n’en doutait pas, puisqu’il déclara un jour à Cécile Albaret : « Vous n’imaginez pas le nombre de gens qui viendront vous voir après ma mort, ni qui vous écriront ». Il est vrai que rares sont les écrivains ayant produit une œuvre aussi colossale qu’À la recherche du temps perdu.
Proust a laissé derrière lui l’image d’un artiste faisant de sa vie une œuvre, et de son œuvre le symbole de la vie humaine. À travers l’histoire de La Recherche, Proust nous offre une réflexion universelle sur le temps, l’espace, les relations humaines, et sur tout ce qui, mis ensemble, constitue les émerveillements de notre existence. L’auteur a su transcrire avec une justesse inouïe les subtilités de la vie, comme en témoigne sa madeleine…
Le créateur de Charles Swann et Odette de Crécy a rejoint le canon littéraire auprès de ceux qu’il admirait, tels que Saint Simon et Balzac. Aujourd’hui, dans les bibliothèques, À la recherche du temps perdu peut côtoyer sans rougir La Comédie humaine.
Il est certain que les célébrations concernant l’œuvre proustienne se poursuivront encore longtemps. Le prochain centenaire sera celui de son roman La Prisonnière, publié en 1923. Ainsi, il semble que le temps de Marcel Proust est un temps qui ne se perd pas…
Solène Lonchamp – Master 2 Métiers du Livre 2022-2023 – Dijon